Syracuse

Y a-t-il un moment précis où tout se joue ? Crise économique, politique, faiblesse de la démocratie ? Complicité des élites ? Ingérence de forces étrangères ? Émergence d’un leader charismatique, appuyé par un parti fort ?

Il suffit parfois d’un coup d’État réussi, parmi tant d’autres tentatives vouées à l’échec, pour soudainement, par un concours de circonstances favorables, permettre au fascisme de s’installer durablement au pouvoir.

Ainsi, Marie-Anne Matard Bonucci, professeure d’Histoire contemporaine, spécialiste du fascisme italien explique : “Mussolini arrive au pouvoir à travers ce qu'on a appelé la marche sur Rome, qui n'est ni une révolution, ni une espèce de simulacre ou de carnaval comme certains ont pu le dire, il s’agit d’une démonstration de force et de violence qui a été soigneusement organisée. Cette marche est l'aboutissement de 2 à 3 ans de stratégie de la part de Mussolini, avec d'un côté l'usage systématique de la violence et de l'autre l'usage de la politique et, d'une certaine façon, du cadre légal de la démocratie”.

Au contraire, Yves Leonard, historien spécialiste du Portugal, indique que dans ce pays, “il n’y a pas eu de Marche sur Rome, il n'y a pas d'éléments singuliers, particuliers, que l’on peut isoler très clairement. C'est plutôt une succession de crises ministérielles, politiques, qui va permettre à Salazar de s'affirmer au pouvoir,” sans oublier dit-il, “que l’on est déjà pour partie dans un régime qu'on peut qualifier d'autoritaire puisqu'il y a une dictature militaire qui a été mise en place en 1926 et Salazar en est quelque part l'héritier.”

C’est sur ce moment précis de la prise de pouvoir que nous reviendrons, en Italie, En Espagne et au Portugal.

Mais pour commencer, nous irons à Athènes où vivent encore aujourd’hui de très nombreux témoins du coup d’état des colonels, le 21 avril 1967, comme Stravoula Christoulakis qui avait onze ans ce jour-là, et qui en parle encore avec la voix tremblante : “Toute ma famille, tous les adultes étaient réunis autour de la radio. Ma mère m'a alors dit : tu n'as pas école aujourd'hui. J'ai demandé pourquoi ? Et elle m’a répondu : parce que c'est la dictature”. De cette période elle se souvient que “ce qui prédominait à l'époque, c'était la peur”. Une peur qu’évoque également un autre témoin, Mavri Vavagianni : “Ce dont je me souviens, c'est d'une peur terrible, combien tout le monde avait peur. On n'arrivait pas à comprendre ce qui était en train de se passer et on n'arrivait pas à réagir. On était en état de choc.”

Un documentaire de Kristel Le Pollotec réalisé par François Teste.

Avec :

• Joelle Dalègre, maîtresse de conférences HDR à l’Inalco, spécialiste de la Grèce
• Christina Koulouri , rectrice de l’université Panteion à Athènes
• Yves Leonard, historien spécialiste du Portugal
• Amelie Nuq, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, spécialiste de l’Espagne
• Marie-Anne Matard-Bonucci, professeure d’Histoire contemporaine, spécialiste du fascisme italien
• Didier Musiedlak , historien spécialiste du fascisme italien
• Fabien Perrier, journaliste
• Laokrattia Lakka, Savas Robolis, Dimitris, Stravoula Christoulakis, Mavri Vavagianni, témoins vivant à Athènes