À l’hôtel Holiday Inn, ancien QG des correspondants de guerre, nous avons retrouvé Boba Lizdek, interprète pour les journalistes étrangers et dont l’on peut retrouver l’histoire dans le film « Sympathie pour le diable » de Guillaume de Fontenay. Nous sommes montés sur les collines de la ville, le long des anciennes tranchées et nous avons arpenté les rues, jonchées de « roses de Sarajevo » qui marquent les impacts des obus les plus meurtriers.
Avec les témoignages de Sarajeviens ainsi que ceux de Remy Ourdan et Jean Hatzfeld, deux des journalistes français qui ont couvert la guerre de Bosnie, nous avons tenté de reconstituer l’histoire du siège de la ville, qui a duré près de trois ans.
Jean Hatzfeld, raconte qu’au début du siège la population de Sarajevo “ n'envisage pas une seconde qu’il puisse durer, elle pense que c'est un mauvais moment à passer et qu'il va y avoir une intervention extérieure assez rapide, que tout va être négocié, et va s'arranger rapidement. Tout le monde pense que dans deux mois, c'est fini. Ils ne savent pas encore le degré de violence que sera cette guerre “.
Rusmir Smajilhodzic, jeune Sarajevien à l’époque confirme cette réalité : “ Je pense qu'on n'était pas conscient de ce qui se passait vraiment en Croatie. Les gens n'ont pas voulu quitter Sarajevo alors qu'ils voyaient ce qui se passait depuis cinq ou six mois à Vukovar (ville assiégée pendant 87 jours en 1991). Les gens ont plutôt fui quand la guerre a vraiment commencé à Sarajevo. Je pense que la plupart ne pouvaient croire qu'il se passerait quelque chose de similaire ici. “
Les habitants de la ville ont dû apprendre à vivre en temps de guerre comme en témoigne Boba Lizdek : “ Dans la guerre, il y a des règles qu’il faut respecter. S'il y a un obus, il ne faut pas courir tout de suite, parce qu'il y en a toujours un deuxième et éventuellement un troisième. La population a vite assimilé les règles de la guerre “ et Rusmir Smajilhodzic : “ Quand je partais le matin, d'après les coups de feu que l’on entendait, on se disait si la journée allait être bonne ou pas. Et parfois au retour de l'école, lorsqu’il y avait eu beaucoup de bombardements, on s'arrêtait dans les immeubles, sur le chemin pour se cacher un peu. Et puis on rentrait quand on pouvait“.
Un documentaire de Kristel le Pollotec, réalisé par Somany Na.
Avec :
Rusmir Smajilhodzic, journaliste,
Boba Lizdek, journaliste et ancienne traductrice pour les journalistes étrangers durant le siège de Sarajevo,
Remy Ourdan, journaliste pour Le Monde durant la guerre de Bosnie,
Jean Hatzfeld, journaliste pour Libération durant le siège de Sarajevo,
Aline Cateux, doctorante en anthropologie sociale.
Liens
- Zdenka Brajkovic : Sarajevo, ville assiégée. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. n°73, 2002.
- The battle of Sarajevo and the law of armed conflict : Final report of the United Nations Commission of Experts established pursuant to security council resolution 780 (1992).
- Sarajevo, les géographies d'un siège : Fonctionnement, valeur symbolique et recomposition des espaces urbains en temps de guerre. Article de Paul-David Régnier, publié dans Cités n°32, 2007.
- Blue Helmets and Black Markets: The Business of Survival in the Siege of Sarajevo. Article de Peter Andreas, professeur de science politique à Brown University. A lire sur le site du Wilson Center.
- La politique de punition et le siège de Sarajevo : Vers une application de la théorie du conflit à la perception d'une (in)justice internationale, par Sanja Kutnjak Ivkovich & John Hagan. In Actes de la recherche en sciences sociales n°173, 2008.
- Les 20 ans du siège de Sarajevo : les Balkans, un laboratoire pour la pensée stratégique : dossier spécial de l’Institut de Recherche stratégique de l’Ecole militaire (2012).