Lorsqu'on nous dit studios, Etats-Unis et mondialisation, il y a fort à parier qu’un certain château - ou une certaine souris - apparaissent dans notre esprit, bref, que nous pensions à Walt Disney. Cette institution symbolique de l’hégémonie culturelle américaine ne pouvait pas rester bras croisés à l’heure du streaming et de la croissance de Netflix et autres plateformes de SVoD. Depuis 2019 donc, la firme américaine peut compter sur Disney+ pour valoriser le contenu de ses studios, mais aussi pour diffuser tout ce que la marque a ramené dans son giron, notamment les films et séries de la saga Star Wars, ainsi que les aventures des super-héros de Marvel.
Disney+ est déjà passé devant Netflix en nombre d’abonnés et la chaîne de VOD ne compte pas s’arrêter là. Blockbuster, partenariats et productions locales... le géant américain multiplie les stratégies pour s’imposer dans un secteur super concurrentiel, avec en ligne de mire, notamment, le marché asiatique et ses millions de consommateurs. Une ambition qui oblige à des compromis, voire à adapter ses valeurs à l’époque et composer avec "l’exception culturelle française" ou encore avec la censure chinoise, entre autres exemples. A domicile, l’entreprise tente de montrer un nouveau visage, plus inclusif, quitte à braquer les esprits conservateurs. L’exercice de Disney+ résume bien la manière dont le soft power américain s’actualise.
Julie Gacon reçoit Arnaud Tomasini, journaliste culturel, rédacteur en chef de comicsblog.fr et animateur du podcast First Print ainsi que Capucine Cousin, journaliste à l’Agefi (l'Agence économique et financière).
"Disney porte des valeurs très occidentales et très américaines. En privilégiant des contenus plus inclusifs, le groupe cherche avant plus à accroître le chiffre d'affaires sur le sol américain qu'à séduire les spectateurs étrangers. Si l'on regarde par exemple les succès de Black Panther ou de Capitaine Marvel, on voit bien que certains pays interdisent ces films Marvel pour des questions de représentation des personnes homosexuelles. L'expansion de Disney+ dans le monde a donc ses limites, la firme ne va pas pouvoir s'accaparer tous les marchés internationaux et notamment celui de la Chine où toutes les dernières diffusions de Marvel Studio n'ont pas eu le droit de diffusion...", observe Arnaud Tomasini.
" Un sujet a beaucoup agité les Etats-Unis cette année : une loi poussée par Ron DeSantis le gouverneur républicain de Floride, où Disney a un gros parc d'attraction, s'opposant à ce que des questions d'orientation sexuelle soient abordées dans les écoles. En début d'année, Disney n'avait pas pris position sur ce sujet, ce qui a agacé beaucoup de ses salariés car c'est une boîte qui est traditionnellement ouverte à ces nouveaux sujets sociétaux et notamment censée être LGBT-friendly car elle a un certain nombre de salariés LGBT. Et finalement, la direction a pris position en s'opposant à cette loi et son statut administratif favorable pour son parc d'attraction en Floride a été supprimé. Cet exemple montre que Disney est censé être assez avant-gardiste sur les sujets sociétaux d'aujourd'hui ", note Capucine Cousin.
Pour aller plus loin :
Capucine Cousin est l'autrice de Netflix & Cie: Les coulisses d'une (r)évolution paru aux éditions Dunod en 2018.
Seconde partie : le focus du jour
Salto, le Netflix « made in France » : histoire d’une désillusion… ou pas !
Deux ans après son lancement, la plateforme de vidéo à la demande française Salto, est à vendre. Pourtant les ambitions de ses 3 actionnaires, France Télévisions, M6 et TF1, étaient élevées à son lancement en 2020, à savoir concurrencer les 2 millions d’abonnements à Disney+ ou encore les 10 millions à Netflix chez les consommateurs français. Miser sur le « meilleur de la création française » (dixit de la promotion) et faire le pari de contenus populaires, telles sont les spécificités de la plateforme. Alors, Salto, est-ce un échec, ou non ?
Avec Marina Alcaraz, journaliste tech-médias aux Echos.
"L'ambition de départ était, si on reprend les termes de la directrice de France Télévisions, Delphine Ernotte, de "créer une équipe de France de l'audiovisuel". Depuis la première fois depuis longtemps on a vu des grands acteurs de la télévision française s'associer : TF1, M6 et France Télévisions, avec l'idée d'offrir le meilleur de la création française.", explique Marina Alcaraz.
Références sonores & musicales
- Première réunion publique de Bob Iger avec les employés de Disney, dans laquelle il se retire des positions politiques les plus controversées de l'entreprise et se dirige vers la neutralité dans la guerre culturelle, le 29 novembre 2022
- Mix des extraits de Blanche-Neige (Disney), Toy story (Pixar), Star wars (Lucasfilm), Les Simpson (21st Century Fox), Black Panther (Marvel)
- Vidéo promotionnelle de Salto
- "Dayvan cowboy" de Boards of Canada
- Disney time (2006) de Jarvis Cocker (Chanteur du groupe britannique ‘Pulp’)
Une émission préparée par Jules Crétois et Julie Ducos.